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CONSO

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I

DIMANCHE 22 JANVIER 2017

I

LA DERNIÈRE HEURE - LES SPORTS

ART

SERAING

Kichka, frère

DE CHARLIE

8

Le caricaturiste

belgo-israélien

était de passage

dans sa ville natale

A

Michel Kichka, un des plus

grands caricaturistes de sa gé-

nération, a quitté la Belgique

il y a 43 ans pour découvrir ses

racines israéliennes. Il était de

passage ce samedi à Seraing,

ville où il a grandi jusqu’à ses

19 ans, pour y être fait citoyen

d’honneur.

Michel Krichka porte un re-

gard sur le monde

d’aujourd’hui, le conflit israé-

lo-palestinien mais aussi son

œuvre et son histoire, celle

d’un fils dont le père a sur-

vécu à la Shoah. Évocation.

Michel Kichka, on a célébré il

y a une quinzaine de jours les

deux ans de l’attaque de

Charlie Hebdo. En tant que

caricaturiste, comment avez-

vous vécu les faits du 7 jan-

vier 2015 ?

“Ce fut pour moi une douleur

incommensurable. C’était inex-

plicable. À Paris, en plein jour,

dans une démocratie. Tignous

était un ami. Je connaissais Ho-

noré, Wolinski, Cabu que je li-

sais quand j’étais tout jeune…

Quand je vois un documentaire

ou que je parle de ce drame, j’en

pleure. Mais, avec le recul, il

faut retenir deux choses.

D’abord ne pas avoir peur. Ils

étaient menacés, protégés mais

ils n’ont rien pu faire contre des

gens déterminé à mourir. La

deuxième leçon, c’est que cer-

tains se sont dit Charlie et

l’étaient vraiment et d’autres

ont dit que les caricaturistes

avaient eu ce qu’ils méritaient.

IL faut donc combattre pour la

tolérance, la fraternité, la li-

berté. Avec un dessin on peut

dire beaucoup de choses et faire

réfléchir autrui.”

Vous habitez en Israël depuis

43 ans. Vous êtes caricatu-

riste. Comment êtes-vous

perçus par Le pouvoir ?

“Quand je suis arrivé, Israël

était un jeune pays socialiste

mais il s’est droitisé. J’ai la li-

berté de pouvoir critiquer le

gouvernement ce qui n’est pas

apprécié de tous mais la liberté

d’expression est un droit. Il

m’arrive aussi, y habitant de-

puis plus de 40 ans, de remettre

l’église au milieu du village car

ce pays ne se limite pas au con-

flit Israélo-palestinien. Il y a de

très belles choses en Israël. Je

peux être un porte-parole par le

dessin.”

Comment peut-on résumer

votre œuvre ?

“Je cherche avant tout à faire

passer des idées et toucher les

gens.”

Vous avez réalisé il y a cinq

ans Deuxième génération où

vous vous livrez à nu. Passage

obligé par rapport au lourd

passé de votre père ?

“C’était un sujet délicat celui

d’un fils dont le père a survécu

aux camps de concentration. On

n’en a jamais parlé en famille et

se raconter n’est pas facile à

faire mais, ça a été la meilleure

décision de ma vie. Même si je

me sentais bien avant de le réa-

liser, ce fut l’occasion de se libé-

rer d’un poids, d’une réalité dont

même mon père n’avait pas idée.

Mais j’ai pris du plaisir à le des-

siner. Ce fut même jouissif.”

Quelle trace voulez-vous

laisser ?

“Je veux d’abord me réaliser,

aller au bout de mes rêves, ne

jamais arrêter d’écrire… Pro-

chaine œuvre, un roman graphi-

que sur la vie en Israël.”

Interview > Jérôme Jacot

:

Michel Kichka (avec son père) a été fait citoyen d’honneur de la ville de Seraing par Alain Mathot.

©

TONNEAU

HENRI, OBJECTEUR DE CONSCIENCE

8

Passeur de mémoire

et très ancré dans la

réalité à 91 ans !

A

Henri Kichka est ce qu’on appelle

un miraculé. L’homme a survécu à

la Shoah. 31 membres de sa famille

ont été gazés et brulés. Il fut, en

compagnie de son père, de

cette fameuse marche de la

mort. Celle qui attendait

son paternel peu de temps

après cette épreuve.

Un peu plus de sep-

tante ans plus tard, il est

toujours là. Fatigué mais

vaillant. Dans le souve-

nir et le partage.

Passeur de mémoire est désor-

mais le leitmotiv du nonagénaire.

“J’en ai besoin,

avoue-t-il.

J’ai rencon-

tré des centaines de milliers de gens

et à chaque fois que je raconte mon

histoire, l’émotion est là. Que ce soit à

des élèves ou des membres de la fa-

mille royale. Ce partage est néces-

saire mais je n’en souffre pas moi-

même.”

Crise économi-

que, montée des

extrémismes…

L’Histoire n’est-elle

pas en train de se

répéter ?

“Chaque

guerre a sa particula-

rité et on n’est pas en-

tré dans une troisième

guerre mondiale. C’est

différent. En 40/45, Hil-

ter focalisait toute l’at-

tention et on savait com-

ment contrer l’ennemi. Aujourd’hui, il

s’infiltre en catimini et c’est dange-

reux.”

HENRI KICHKA,

qui garde verve et

lucidité, vise clairement les terro-

ristes

“qui ne sont pas nombreux par

rapport au 1,5 milliard de musulmans

qui se sentent tous visés, tous dans le

même sac mais ils sont incapables de

combattre ces djihadistes car ils sont

soumis à Allah. Or, Dieu, quel que soit

son nom porté dans les différentes re-

ligions, n’est qu’une invention de

l’Homme. Quand le monde va-t-il

comprendre ?”

Henri Kichka craint aussi l’avè-

nement de Donald Trump. À 91 ans,

il reste plus qu’alerte sur notre so-

ciété mais sa fierté, ce sont ses qua-

tre enfants, ses quatorze petits-en-

fants et ses treize arrière-petits-en-

fants.

J. Ja.

:

Deuxième génération

raconte l’histoire d’un fils

dont le père a survécu aux

camps de concentration.

©

TONNEAU

SERAING

Ses parents ayant déménagé à

Bruxelles, Michel Krichka n’avait plus vraiment

de raison de venir à Seraing même si certains

membres de sa famille y résident toujours.

Seraing fut pourtant sa ville natale. Une ville

qu’il a eu du mal à reconnaître tant les change-

ments furent nombreux ces derniers mois.

Pourtant, il a gardé un souvenir précis et ému

de sa jeunesse passée en bord de Meuse, dans

le quartier du Molinay.

“J’ai revisité mes souve-

nirs au moment de dessiner Deuxième généra-

tion qui évoque mon enfance et mon adolescen-

ce dans ce quartier. Je me souvenais de tous les

commerces… Mais aujourd’hui, tout a changé”,

admet-il.

Seraing, c’est aussi ce passage par la classe

de dessin de Daniel Evrard, la découverte de la

glace au son du cor mais aussi la pratique de la

gym ou du handball au sein des clubs de la vil-

le.

Bref, une première partie de vie qui a mar-

qué le caricaturiste qui a pris beaucoup de plai-

sir à redécouvrir sa ville natale et à retrouver

en chair et en os des amis perdus de vue depuis

des dizaines d’années.

J. Ja.

Seraing, sa ville natale

“Je cherche avant

tout à faire passer

des idées”